Présentation générale des théories des organisations

Théories des organisations et métaphores

Une première proposition s'appuie sur le fait que les théoriciens, de façon tantôt implicite, tantôt délibérée, font usage de métaphores pour se saisir de la réalité organisationnelle. L'exposé sans doute le plus complet des métaphores utilisées en matière d'analyse des organisations est dû à G. Morgan (G. Morgan, Images de l'organisation, PUL, 1989).Cet auteur repère un dizaine d'images que l'on peut cependant réduire à quatre principales.

1 – la métaphore de la machine

En respectant la chronologie du développement des théories des organisations, la première métaphore marquante à mentionner est celle de la machine, largement présente dans les écrits des premiers théoriciens des organisations, ceux de la théorie dite Classique. L'image mécanique revient à saisir l'organisation à l'instar d'une machine qu'il faut agencer rationnellement, c'est-à-dire conformément à un plan et une série de spécifications techniques, pour s'assurer qu'elle produira les fonctionnalités que l'on en attend. La théorie Classique de l'organisation s'intéresse ainsi essentiellement à l'anatomie de l'organisation formelle et développe un ensemble de préceptes présentés comme des solutions universelles pour structurer et gouverner les organisations de façon efficiente et rationnelle. Selon elle, il convient de spécialiser fortement les tâches des participants, de standardiser les rôles, de formaliser les règles et les procédures. La coordination des activités doit être assurée par une stricte hiérarchie, l'unité de commandement, un éventail de subordination limité et la centralisation des décisions. L'ordre d'ensemble se doit d'être impersonnel et les relations entre participants centrées sur l'accomplissement des tâches, à l'exclusion de tout autre considération. Cette vision mécanique de l'organisation s'associe à une conception tout aussi mécanique de la nature humaine empruntant à la conception de l'homo economicus et au principe hédonistique. Les méthodes tayloriennes d'organisation du travail, qui constituent la manifestation la plus évidente de ces conceptions, s'appuient manifestement sur une description de l'individu comme une machine relativement simple dont on peut améliorer notablement l'efficience en établissant un programme détaillé de comportement.

2 – la métaphore de l'organisme

Une deuxième métaphore d'usage courant en théorie des organisations est celle de l'organisme. Tandis que l'analogie de la machine emprunte à la physique, celle de l'organisme est inspirée de la biologie dont l'objet est l'étude des êtres vivants, de leurs modes et conditions d'existence, de leur reproduction, leur développement et leur disparition. Une des premières expressions de l'analogie biologique en théorie des organisations est due au sociologue T. Parsons qui assimilait l'organisation à un organisme vivant, fondamentalement dépendant des échanges qu'il entretient avec son environnement et qui se développe selon un processus de différenciation. Depuis, la métaphore de l'organisme a été largement exploitée. On la retrouve notamment dans l'approche systémique qui, bien qu'étant davantage une méthodologie qu'une métaphore proprement dite, invite à considérer les processus vitaux qui caractérisent un système ouvert sur son environnement. Elle est très présente dans toute une série de modélisations de la dynamique d'évolution d'une organisation au cours du temps qui s'appuient sur une idée de cycle de vie, ainsi que dans nombre de travaux appartenant à la théorie de la contingence structurelle cherchant à montrer que certaines formes d'organisation sont plus efficaces parce que mieux adaptées à leur contexte. Elle inspire encore fondamentalement le courant plus récent dit de l'écologie des populations, dont l'ambition est d'analyser de façon longitudinale ce qui contribue à la naissance, au développement et à la mort de populations d'organisations en transposant l'idée écologique selon laquelle on trouve dans chaque environnement uniquement des organismes adaptés de façon optimale à ses exigences.

3 – la métaphore du système apprenant

Un troisième groupe de métaphores illustre de différentes façons des propriétés auto-organisatrices et l'idée que l'organisation gagne à être analysée en termes de processus d'apprentissage fait d'interactions entre contexte, comportement et phénomènes cognitifs. C'est le cas de l'analogie du cerveau, qui traite l'organisation comme un système cognitif reposant sur une structure de pensée et un ou des modèles d'action, dont un point de départ se trouve dans certains travaux de H. Simon sur le processus de décision en organisation. L'analogie cybernétique, qui développe l'idée que les ensembles sociaux peuvent s'analyser comme des modèles d'information et de contrôle maintenant leur structure et leur fonctionnement dans des limites précises grâce à des boucles de rétroaction, met également l'accent sur les phénomènes d'apprentissage caractérisant le fonctionnement de l'organisation. Enfin, l'organisation est encore approchée comme s'il s'agissait d'une culture, d'un système socioculturel dont les composantes sociales et structurelles sont pleinement intégrées, synchronisées et consonantes avec les dimensions symboliques et valorielles.

4 – la métaphore du système politique

Plutôt qu'une entité monolithique, l'organisation est ici considérée comme un lieu de confrontation de rationalités partielles, locales. Ses participants, dotés d'intérêts propres et maîtrisant certaines ressources, y développent des stratégies et des jeux de pouvoir plus ou moins habiles. Conflits, négociations, ruses, coalitions, sont alors des réalités fondamentales de la vie organisationnelle que de nombreux théoriciens tels Perrow, Pfeffer, Salancik, Weick, etc., ont placé au centre de leurs réflexions. La démarche bien connue d'analyse stratégique élaborée par M. Crozier et E. Friedberg, qui vise à élucider le schéma contingent d'ajustement mutuel des stratégies d'acteurs cherchant à maintenir un minimum de coopération nécessaire à l'existence de l'organisation et leur autonomie ou leurs marges de liberté, s'inscrit également dans cette perspective. Cette métaphore politique trouve également une expression dans l'analyse des rapports entre organisation et phénomènes de domination sociale qui traite du pouvoir organisationnel sous l'angle d'un rapport de domination en replaçant l'organisation dans son contexte macroscopique. De multiples thèmes sont abordés selon cette perspective : processus de contrôle des participants à l'organisation, segmentation du marché du travail, phénomène de déqualification du travail, etc.

D'autres métaphores ont également été utilisées. Morgan évoque ainsi par exemple la métaphore de la prison psychique pour désigner une forme de radicalisation de certaines idées relatives au concept de culture. D'autres emploient les métaphores du contrat, de l'institution, du théâtre, des jeux de langage, ou empruntent aux disciplines sportives pour différencier les principaux modes d'agencement possibles de l'organisation.

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