Typologies des organisations

A quoi servent les organisations ?

Cette première façon de catégoriser les organisations traduit une vision fonctionnaliste, c'est-à-dire une façon des les aborder en considérant que toute organisation trouve sa justification dans la contribution qu'elle apporte au fonctionnement régulier de la société générale dont elle est partie prenante.

Le premier auteur ayant développé cette perspective est le sociologue Talcott Parsons, dont l'analyse sera reprise et développée par deux théoriciens que l'on considère comme les promoteurs de ce qui est connu comme étant « l'approche systémique » en théorie des organisations, à savoir D. Katz et R.L. Kahn. C'est la typologie des organisations de ces deux auteurs qui sera retenue ici pour illustrer le type de réponse que l'on peut apporter à la question de savoir à quoi servent les organisations.

La typologie conçue par ces deux auteurs mobilise deux séries de facteurs de catégorisation, des facteurs de premier ordre et de second ordre.

Les facteurs de premier ordre correspondent à ce qu'ils appellent les fonctions “ génotypiques ”, c'est-à-dire le type d'activité dans lequel l'organisation est engagée en tant que sous-système de la société.

Sur cette base, on peut distinguer quatre classes d'organisation, décomposables en un certain nombre de catégories plus fines :

  1. Organisations économiques ou de production

    Elles se consacrent à la création de richesse, la fabrication de biens et la fourniture de services aux membres de la société. Ce faisant, elles autorisent la satisfaction des besoins fondamentaux de ces derniers. Cette catégorie peut être subdivisée en trois groupes principaux d'activités :

    • activités primaires : agriculture et exploitation minière ;

    • activités secondaires : fabrication de biens ;

    • activités tertiaires : services et communication ;

  2. Organisations de maintien

    Ce sont les organisations chargées de la socialisation des individus de façon à ce qu'ils puissent remplir leurs rôles dans les autres organisations et dans la société en général. Elles remplissent une fonction d'intégration normative de la société soit directement (organisations d'éducation et de formation), soit de façon indirecte en prenant en charge un travail de “ restauration ” (organisations de santé par exemple).

  3. Organisations d'adaptation

    Celles dont la fonction est de produire des connaissances, d'élaborer et de tester des théories, d'appliquer ces éléments aux problèmes existants de la société. C'est le cas d'universités, pour ce qui est de leurs activités de recherche, et de façon générale des organismes de recherche. C'est également le cas, de façon moins directe, des organisations artistiques puisqu'elles contribuent à enrichir l'expérience ou à créer de nouvelles visions ou conceptualisations des réalités.

  4. Organisations politiques ou managériales

    Celles qui remplissent les fonctions de coordination et de contrôle des ressources, des personnes et des sous-systèmes. La principale de ces organisations politiques est l'Etat, qui possède théoriquement le monopole de l'usage de la force armée et manifeste sa présence par le biais de multiples sous-systèmes publics. On peut adjoindre à cette catégorie les syndicats et les autres organisations représentant des groupes d'intérêt. Les organisations judiciaires et pénales relèvent également de la catégorie des organisations politiques.

Ces quatre types d'organisations se complètent pour assurer le fonctionnement et le maintien de la société. Pour qu'une société subsiste, il faut en effet qu'il existe des activités économiquement productives qui permettront de satisfaire les besoins de ses membres, des moyens d'affirmation d'un système de valeurs et de normes et de formations des individus à l'exercice de leurs rôles sociaux, une autorité pour concilier les différents groupes d'intérêt en présence, arbitrer les conflits et assurer l'allocation des ressources, des organismes dédiés au développement des connaissances.

Remarque

Bien que les organisations se spécialisent dans une de ces fonctions principales, elles apportent le plus souvent des contributions à une ou plusieurs autres fonctions. Par exemple, les entreprises se consacrent à la fonction de production de richesses, mais peuvent également jouer un rôle en matière de développement des connaissances en conduisant une activité de recherche-développement, et compléter l'action d'organisations dites de maintien par ses propres procédures de formation et de socialisation de ses personnels. Il existe également des organisations qui prennent en charge, à titre principal, plusieurs fonctions. C'est le cas, par exemple, des universités qui ont un double rôle de formation et de recherche. Les organisations de ce type sont confrontées à des problèmes délicats d'intégration des différentes fonctions qu'elles ont en charge.

Par ailleurs, cette catégorisation des fonctions établie au niveau sociétal trouve également à s'appliquer au niveau de l'organisation elle-même. Quelle que soit la fonction principale qu'elle exerce au bénéfice de la société, une organisation doit en effet assurer la production de ce pour quoi elle est conçue, socialiser ses personnels et les former à leurs rôles, orienter, coordonner et contrôler les activités, découvrir la solution aux problèmes d'adaptation qu'elle rencontre. En tant que système, une organisation peut donc être décomposée en sous-systèmes de production, maintien, management et adaptation.

La prise en compte de facteurs de second ordre enrichit la typologie en permettant de subdiviser les différentes catégories d'organisations.

D. Katz et R.L. Kahn en évoquent quatre, sans que cette liste soit limitative :

  1. la nature de la fonction de transformation réalisée par l'organisation

    Les organisations se différencient selon que leur tâche principale consiste à transformer des objets physiques (cas d'une entreprise manufacturière) ou des êtres humains (cas d'un organisme de formation ou d'un hôpital, par exemple). Bien que la transformation d'objets physiques pose évidemment des problèmes de mobilisation et de gestion des personnels sans lesquels l'organisation ne peut fonctionner, la transformation d'objets sociaux présente des spécificités qui justifient des processus organisationnels particuliers : le fait, notamment, que cette transformation requiert la coopération des personnes qui doivent être formées ou traitées et que ses résultats ne peuvent s'apprécier avec les seuls critères immédiats en vigueur sur le marché.

  2. la nature du mode d'implication ou d'engagement des personnels vis-à-vis de l'organisation

    La participation des personnels à l'organisation ne conçoit ni ne se maintient sans une forme de récompense. Celle-ci est intrinsèque lorsqu'elle réside dans l'accomplissement même de l'activité ou que cette dernière s'accorde au propre système de valeurs de l'individu (ex : la participation à un club ou une association qui procure en elle-même une satisfaction).

    Elle est extrinsèque lorsque son attribution dépend du respect de règles. Bien entendu, la forme de la récompense consiste souvent en un mélange de ces deux types d'éléments et il n'existe guère d'organisations dont le maintien résiderait dans la distribution de seules récompenses instrumentales. Cependant, l'accent mis sur l'une ou l'autre des formes de récompense varie d'une organisation à l'autre. D. Katz et R.L. Kahn parlent à cet égard d'un continuum dont les extrêmes seraient les entreprises d'une part et les organisations volontaires d'autre part.

  3. le type de structure organisationnelle

    Ce paramètre désigne différents éléments, dont le degré de perméabilité des frontières et le mécanisme d'allocation ou de répartition des résultats ou des récompenses.

    En ce qui concerne les frontières, on peut distinguer :

    • les organisations à frontières rigides et strictement définies, pour lesquelles l'entrée et la sortie ne dépendent pas des libres décisions des participants (l'armée, par exemple) ;

    • les organisations essentiellement ouvertes qui reposent sur un principe opposé (comme un parti politique) ;

    • celles qui, comme l'entreprise, sont des systèmes semi volontaires où l'entrée et la sortie relèvent de démarches des individus mais sont contraintes l'une par les procédures de recrutement de l'organisation, l'autre par l'éventail des solutions de substitution disponibles.

Quant au mécanisme de répartition des résultats, il peut privilégier tel ou tel groupe d'acteurs ou au contraire être conçu sur une base égalitaire.

D'autres distinctions peuvent encore être introduites, par exemple eu égard au principe qui sous-tend la dynamique de l'organisation. Certaines organisations reposent sur un principe d'équilibre entre l'énergie qu'elles consomment et la production qu'elles réalisent.

Exemple

Un établissement d'enseignement qui, année après année, forme le même nombre d'étudiants en affectant à son activité l'intégralité d'une scolarité strictement ajustée aux besoins de financement.

La plupart des organisations fonctionnent cependant en cherchant à dégager un surplus entre la production réalisée et l'énergie consommée de façon à constituer des réserves de ressources pour l'avenir.

La proposition typologique de D. Katz et R.L. Kahn constitue une contribution importante à l'analyse des organisations. Les catégorisations qu'elles proposent ne sont cependant pas dénuées d'ambiguïté dès lors que la multiplicité possible des fonctions remplies par une organisation donnée autorise à la classer simultanément dans plusieurs catégories. Ceci nuit à la clarté et à la complétude des classifications. Le croisement des deux types de facteurs introduit des distinctions plus fines au sein de chaque catégorie principale d'organisations, mais on ne dispose pas d'un inventaire explicite et exhaustif des facteurs de second ordre. Plus fondamentalement, le fait de se référer aux fonctions de l'organisation vis-à-vis de la société revient à lui dénier la possession de buts propres et à orienter l'attention sur les conséquences plutôt que sur les causes des phénomènes sociaux : se demander quelle est la fonction de telle organisation ou de telle ou telle de ses composantes ne permet pas d'expliquer pourquoi ces éléments sont d'abord ainsi.

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