Typologies des organisations

A qui bénéficient les organisations ?

En s'intéressant aux catégories d'acteurs qui semblent tirer avantage de l'existence et du fonctionnement des organisations, deux autres théoriciens, P. Blau et W.R. Scott, bâtissent une typologie d'une nature différente. Cette proposition n'ignore pas le fait que les bénéficiaires d'une organisation sont d'ordinaire multiples, mais traduit l'idée selon laquelle certains acteurs, les « principaux bénéficiaires », sont plus importants que les autres et exercent à ce titre une influence majeure sur la façon dont l'organisation est agencée et gérée.

La typologie correspondante repose sur le croisement de deux paramètres :

  • le mode d'obtention des avantages retirés de la relation à l'organisation : celui-ci peut relever d'une relation intrinsèque entre l'organisation et le bénéficiaire, ou d'une relation extrinsèque;

Exemple

  • Relation intrinsèque : par exemple, dans une organisation de santé, le malade bénéficie d'un avantage en raison du travail que l'hôpital réalise sur lui-même ;

  • Relation extrinsèque : par exemple, l'actionnaire d'une entreprise reçoit un profit résultant de l'efficacité de la conduite d'une activité industrielle et commerciale

  • le mode de propriété de l'organisation : celle-ci peut être détenue précisément par des acteurs identifiables, ou la propriété peut être diffuse, éloignée ou très indirecte (comme dans le cas d'un service de police, par exemple).

Le croisement de ces deux paramètres permet de définir quatre types d'organisation auxquels on peut attacher un bénéficiaire principal, conformément au schéma suivant :

Tableau 5 : La typologie des organisations de P. Blau et W.R. Scott

PROPRIETE

précise

générale

AVANTAGE

intrinsèque

associations de

bénéfice

mutuel

organisations

de service

extrinsèque

entreprises

commerciales

organisations

d'intérêt public

  1. Les associations de bénéfice mutuel : cette première catégorie regroupe les organisations dont la propriété est bien spécifiée et qui profitent essentiellement à leurs membres.

    Ex : C'est le cas notamment des clubs, des associations de bénévoles, des ordres religieux, des associations professionnelles, etc.

  2. Les entreprises commerciales : dans le cas de l'entreprise, ce sont les propriétaires, ceux qui apportent les capitaux, qui sont les principaux bénéficiaires de l'organisation. Ce n'est pas la nature même de l'activité ou ce que produit l'organisation qui importe pour eux, mais le profit qui peut en résulter et qui leur revient. Bien que toute organisation soit naturellement préoccupée de l'efficience de ses activités, ici cette préoccupation prime sur tout autre considération.

  3. Les organisations de service : l'activité de ces organisations bénéficie principalement à leurs clients, mais ces derniers ne détiennent pas la propriété, ni le contrôle ni la gestion proprement dite. Le plus souvent ces bénéficiaires retirent un avantage intrinsèque de leur relation avec l'organisation.

    Ex : Il s'agit des hôpitaux publics, des écoles, des diverses agences sociales, ou bien encore des prisons.

  4. Les organisations d'intérêt public : ce sont les organisations dont le public, en général, bénéficie de l'activité de façon extrinsèque. Ceux qui bénéficient des outputs de ces organisations, en quelque sorte de bien commun, n'en sont pas à proprement parler les propriétaires, ni n'en exercent directement la gestion et le contrôle.

    Ex : Un service de lutte contre les incendies, l'armée, un service de police, sont des exemples de ce type d'organisation.

Au-delà d'une catégorisation des organisations, l'intérêt de cette typologie est de montrer qu'en fonction de son bénéficiaire principal, chaque type d'organisation rencontre des problèmes particuliers qui appellent des dispositifs et des modes de résolution adaptés.

Ainsi, le principal problème que rencontre les associations de bénéfice mutuel est la pérennisation du contrôle ou de la maîtrise des activités par les principaux bénéficiaires c'est-à-dire par les membres eux-mêmes. Il n'est pas rare que ces derniers soient progressivement écartés du contrôle de l'organisation au bénéfice de quelques-uns seulement. Ceci peut résulter de l'apathie des membres face au caractère routinier et monotone des activités qui tend à s'installer après l'enthousiasme et la forte implication propres à la phase de création de l'association. Les responsabilités sont alors abandonnées ou confiées à un petit nombre d'acteurs, ce qui nourrit un sentiment de distanciation de la plupart des membres vis-à-vis de leur propre organisation. La volonté de rendre l'organisation plus efficace produit souvent un résultat analogue puisqu'elle passe par la désignation d'un petit nombre de responsables à qui sera délégué l'essentiel des pouvoirs et dont les compétences, acquises grâce à l'exercice des responsabilités, tendront à devenir indispensables.

Dans le cas de l'entreprise à vocation commerciale, si les propriétaires retirent de l'organisation un avantage extrinsèque ils sont amenés à composer avec d'autres participants dont les attentes sont d'une autre nature. La maximisation de l'efficience de l'organisation ne peut ainsi se concevoir sans souci pour les conditions de travail des personnels et leurs besoins de sécurité, ou sans égard pour les intérêts des clients qui tirent avantage de la consommation des produits délivrés par l'entreprise.

Les organisations de service rencontrent un problème d'une autre nature tenant au fait que leurs bénéficiaires ne connaissent pas nécessairement les moyens par lesquels leurs intérêts seront le mieux satisfaits. La responsabilité du choix des moyens appartient aux gestionnaires de l'organisation, désignés pour leur compétence, qui doivent exercer leurs responsabilités non à leur propre avantage mais au profit des bénéficiaires. Dans la mesure où les intérêts véritables de ces derniers peuvent ne pas coïncider avec leurs désirs immédiats, ou que les moyens requis pour les satisfaire peuvent s'avérer peu plaisants, les relations des bénéficiaires avec l'organisation et ceux qui sont en charge de leur gestion présentent souvent un caractère conflictuel. Dans ces conditions, la relation du bénéficiaire à l'organisation ne se conçoit pas sans la détention par cette dernière d'une forme d'autorité ou de légitimité, voire, comme dans le cas de la prison, l'exercice de la coercition.

Quant aux organisations d'intérêt public, le problème qui pose précisément réside dans l'élaboration de mécanismes démocratiques permettant au public d'exercer une forme de contrôle sur leur activité.

De façon synthétique, la typologie de P. Blau et W.R. Scott se présente en définitive ainsi :

Tableau 6 : la typologie de P. Blau et W.R. Scott

PROPRIETE

précise

générale

AVANTAGE

intrinsèque

type d'organisations:

associations de bénéfice

mutuel

bénéficiaire pricipal:

les membres de

l'association

problème principal :

la participation des

membres

type d'organisations:

organisations de service

bénéficiaire principal:

les “clients”

problème principal:

les procédures

administratives

extrinsèque

type d'organisations:

les entreprises

commerciales

bénéficiaire principal :

les propriétaires

problème principal :

l'efficacité

type d'organisations:

organisations d'intérêt

public

bénéficiaire principal:

le public

problème principal :

l'exercice du contrôle

Attention

Si l'analyse de ces deux auteurs est intéressante, la typologie qui en résulte appelle des réserves. On remarquera tout d'abord qu'elle se fonde sur ceux qui sont censés bénéficier de l'organisation et qui ne sont pas nécessairement ceux qui en bénéficient réellement. Par ailleurs, la conception de certaines catégories d'organisation prête à discussion. C'est le cas notamment des entreprises commerciales dont l'analyse, telle qu'elle est présentée, vaut dans le cas d'une séparation entre propriété et direction ; lorsque le propriétaire de l'entreprise en est en même temps le gestionnaire effectif, il est quelque peu réducteur de considérer que l'avantage qu'il en retire est uniquement d'ordre extrinsèque. Enfin, l'idée selon laquelle chaque type d'organisation se heurte à une catégorie particulière de difficultés apparaît contestable. Chaque forme d'organisation connaît des problèmes de motivation et de participation de ses membres, de recherche du maximum d'efficacité, de conflits potentiels avec ses “ clients ”, d'exercice du contrôle, etc. Dès lors que toutes les caractéristiques citées par P. Blau et W.R. Scott semblent se vérifier pour la plupart des organisations, les différences qui sous-tendent la typologie s'estompent.

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