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Un peu d'histoire

L. Boltanski, dans son ouvrage « Les cadres, la formation d'un groupe social » (1982) se saisit d'une façon particulière du « problème de la définition » [qui] a pu obséder le discours sociologique sur les cadres » pendant de nombreuses années. Renonçant à définir d'emblée, il va davantage s'attacher à analyser le « travail social de définition et de délimitation » à travers l'histoire des cadres, l'intérêt étant de comprendre comment cet ensemble hétérogène va parvenir à une « unité symbolique ».

Les cadres se sont progressivement constitués en groupe à partir de l'entre-deux-guerres. Les ingénieurs touchés par le chômage, qui se battent pour la reconnaissance de leur diplôme, vont se rapprocher de la classe moyenne subissant la crise. Apparaît alors une catégorie sociale intermédiaire se démarquant des classes dirigeantes et des ouvriers. Suite aux grèves de 1936, par imitation des syndicats ouvriers, est créée la Confédération générale des cadres en 1937. Elle va permettre à ce groupe, dans les faits, très disparate, de commencer à se « penser comme un ensemble doté de caractéristiques sociales et professionnelles semblables et d'intérêts communs ».

Dans l'après-guerre, d'autres évolutions comme le début d'un statut pour les cadres dans les arrêtés Parodi de 1945, la création des comités d'entreprise prévoyant l'existence d'un collège spécifique et l'instauration d'un régime de retraite particulier vont contribuer à la distinction de ce groupe.

Avec les « trente glorieuses », un nouveau type de cadre apparaît. Après le taylorisme[1] qui avait institué un fonctionnement hiérarchique autoritaire, on découvre l'intérêt des relations humaines pour rendre les organisations plus efficaces. Le groupe des cadres reste très hétérogène, mais il se développe. Son « rayonnement symbolique » et « l'illusion de son unité » culminent. En effet, les réorganisations des entreprises créent de nouveaux postes d'encadrement mais dans les faits, ceux qui évoluent ne sont pas issus des classes ouvrières. Il y a une « sélection sociale » intense à l'intérieur de ce groupe qui parait unifié.

Du fait de différents facteurs (comme la montée du chômage avec parallèlement l'augmentation du nombre de diplômés, l'émergence de nouveaux profils -« experts », féminisation- et des charges de travail plus lourdes), les cadres se rapprochent aujourd'hui des autres salariés au niveau des orientations syndicales, d'où l'« effritement du sentiment d'appartenance à une catégorie distincte ». Ils sont amenés à gérer davantage eux-mêmes leur carrière, devant toujours être plus disponibles et mobiles sans garantie de contrepartie. Les nouvelles formes de gestion des entreprises contribuent à entraîner une segmentation interne de ce groupe dont, par ailleurs, les frontières se brouillent. Aussi, même si l'attachement à cette figure sociale du cadre reste important, on assisterait à la recomposition de ce modèle.

  1. Taylorisme :

    Mode d'organisation du travail proposé par Taylor vers 1880 et reposant sur une organisation scientifique du travail (avec chronométrage), la parcellisation des tâches, la division entre le travail d'exécution et le travail de conception.

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